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Témoignages
                 
À la manière de haïku
             
                 

Témoignage
Michel fréquentait l’atelier de lithographie de l’ADAC à Paris dont je suis responsable. Il nous a laissé quelques expressions qu’il affectionnait particulièrement et qui nous amusent encore aujourd’hui ; « Le bar est ouvert ! »Entre deux séances d’impression, nous faisions régulièrement une « pause cidre ». alors que les verres étaient disposés autour de la bouteille, Michel rappelait le groupe dispersé un peu partout dans l’atelier en criant joyeusement : « le bar est ouvert ! » « Y’a de l’embrouille, Colette ! »
Pour tout ce qui lui paraissait énigmatique, il utilisait le mot « embrouille ». Ainsi lors d’une de mes expositions, où il n’arrivait pas à décortiquer quelques astuces techniques, il m’a écrit sur le livre d’or : «  La vie est un rêve disait l’autre, dont le titre serait « insaisissables » – ce soir – merci, merci de tes lumineuses embrouilles ».
À l’atelier, toujours, les tirages lithographiques sur la presse se font à tour de rôle. La règle veut que chacun tire au maximum, une fois tous les quinze jours. Pour mettre en application celle-ci, il existe un tableau où sont mentionnés les noms de l’utilisateur de la presse, la date et l’heure. Michel venait irrégulièrement à l’atelier et le tableau était vite complet. Alors pour se frayer une place, il se posait devant le tableau, prenait un air gentiment inquisiteur et m’appelait comme témoin : « Colette, il y a de l’embrouille la dedans ! »…
Bien d’autres souvenirs remontent à ma mémoire. Ainsi cet exemple touchant : alors qu’il « grainait » (terme technique qui signifie abraser ou effacer deux pierre l’une contre l’autre) en compagnie d’un ami peintre macédonien il évoqua la douceur au toucher, de la surface des pierres avec l’eau : « les pierres sont douces comme la peau d’une femme ».

Oui Michel aimait les femmes !
Il arrivait parfois que certains soirs, il soit le seul homme de l’atelier, car il est vrai que nous sommes une majorité de femme, et comme je m’en inquiétais, il me répondit que cela lui convenait tout à fait et même l’arrangeait d’être « le seul homme parmi toutes ces femmes. Sous-entendu qu’ainsi il n’avait pas de concurrent.
Colette Bouriat,
peintre et lithographe, Paris 2008